E44 - Les Bornes fontaines

8 février 2012

1) De quoi s’agit-il ?


Borne-fontaine au Niger
Source Bonneviot, 2005

Les bornes-fontaines sont des points collectifs d’approvisionnement en eau pour les personnes ne disposant pas d’un branchement particulier.

Elles peuvent être branchées sur le réseau principal d’une commune ou sur un petit réseau indépendant alimenté par un forage ou par une autre source d’alimentation.

2) Qui utilise surtout ce moyen ?

Les bornes-fontaines sont globalement le plus important moyen d’approvisionnement pour les populations qui ne disposent pas d’un branchement privé, mais cette importance varie d’une ville ou d’un pays à l’autre. Très utilisées par exemple à Ouagadougou (Burkina-Faso) ou au Niger, les bornes fontaines n’existent guère à Conakry (Guinée) et à Dar es Salam (Tanzanie).

3) Qui est surtout concerné ?

La plupart des organismes ou sociétés de distribution d’eau ont choisi de fournir un niveau de service minimum via les bornes-fontaines dans les quartiers où les perspectives de généralisation des branchements privés restent faibles, même si ce type d’approvisionnement reste l’objectif ultime de leurs services . Les bornes-fontaines sont appréciées par les utilisateurs peu favorisés, car elles leur permettent d’avoir de l’eau à proximité et de l’acheter par petites quantités, en fonction de leurs disponibilités financières. Elles constituent en outre un moyen d’approvisionnement particulièrement adapté aux zones arides dans la mesure où elles limitent le gaspillage de l’eau.

4) Comment est-il mis en oeuvre ?


Borne-fontaine au Mali Source Bonneviot 2005

Les bornes-fontaines sont des points d’eau collectifs où l’eau est vendue en vrac. En général, elles sont composées d’une dalle de support pour les robinets, d’un compteur d’eau et d’un mécanisme de drainage pour éviter l’accumulation d’eau sur le sol.. Une barrière peut y être installée pour garder les animaux à l’écart.
La dalle de support peut être faite en bois, pierre ou béton et doit être dimensionnée pour résister aux dégradations car les bornes-fontaines ne sont pas toujours entourées de soins.

Il est important que la borne-fontaine soit fonctionnelle. Ainsi, des facteurs ergonomiques doivent être pris en compte. Il faut penser, par exemple, à la hauteur des robinets et à la distance entre le jet d’eau et la dalle. Si cette distance est trop petite ou si les robinets sont trop bas ou trop hauts, le remplissage des récipients peut s’avérer pénible.
L’évacuation des eaux est aussi importante. L’eau qui sort des robinets ne tombe pas entièrement dans les seaux. Um mécanisme pour drainer et évacuer l’eau est donc indispensable pour éviter la formation de flaques d’eau stagnante et maintenir la salubrité des lieux.
Les robinets sont la partie la plus sensible de l’ouvrage. Ils subissent en effet jusqu’à 150 cycles d’ouverture et fermeture par jour. De ce fait, on constate qu’un robinet ne dure généralement pas plus de 3 à 4 mois. Si un robinet usé n’est pas réparé ou remplacé, des fuites éventuelles provoqueront un gaspillage d’eau. La mise hors service du robinet peut affecter considérablement le service de la borne-fontaine.
Les types de robinets les plus utilisés sont les robinets à clapet (classiques) et les robinets quart de tour. Ces derniers ont l’avantage d’atteindre rapidement le débit maximal, permettant l’ouverture et la fermeture immédiates. Par contre, le robinet quart de tour n’est pas démontable et donc, ne peut pas être réparé.
Pour remplir les seaux et bassines de 10 à 20 litres dans un temps raisonnable, soit environ 30 secondes, la borne-fontaine doit être dimensionnée pour fournir un débit de 40 litres par minute sur chaque robinet. Le réseau d’alimentation de la borne-fontaine, ainsi que les robinets doivent être adaptés à un tel débit.
 Même si les bornes-fontaines sont très répandues en Afrique, une bonne partie d’entre elles ne fonctionnent que pendant des périodes très réduites, parfois limitées à quelques heures, souvent la nuit. Ceci est dû le plus souvent aux coupures de l’approvisionnement ou à la réduction de la pression sur le réseau. Pour faire face à ce problème, la construction d’un réservoir peut-être envisagée afin de sécuriser l’approvisionnement.


Borne-fontaine en Afrique Source WSP 2010

Puisque en général, l’eau n’est pas gratuite aux bornes-fontaines, il est nécessaire de connaître le volume d’eau sortant des robinets.
Les bornes-fontaines doivent donc disposer d’un système de comptage de l’eau. Les compteurs d’eau sont des accessoires couteux et qui entrainent une légère perte de charge (diminution de pression) supplémentaire. Les compteurs doivent être choisis en fonction d’un certain débit nominal. Pour des débits éloignés de ce débit nominal, ils peuvents’avérer imprécis. 
Une borne-fontaine peut être soit un équipement public, financé par l’Etat ou par une commune, qui en confie en général la gestion à un fontainier, soit un investissement privé réalisé par des petits entrepreneurs, raccordé ou pas au réseau de distribution public.
Un nouveau système, parfois mal admis, se déploie actuellement dans certains pays d’Afrique comme l’Afrique du sud ou le Maroc : celui de la borne-fontaine à prépaiement. Les usagers disposent d’une carte qu’ils utilisent pour acheter de l’eau à des bornes-fontaines automatiques. Certaines municipalités créditent les cartes d’ une certaine valeur minimale par semaine ou par mois et toute consommation au-delà de cette valeur est à la charge des usagers, lesquels doivent recharger leurs cartes dans des boutiques acréditées.

5) Principaux avantages et inconvénients

a) Avantages

- Coût d’installation ( ramené à la famille desservie) plus faible que celui du branchement privé individuel ;
- Limitation du gaspillage d’eau ;
- Meilleur partage de l’eau disponible entre les familles ;
- Mise en œuvre plus facile et rapide que celle d’un réseau de branchements privés.

b) Inconvénients

- Les allers-retours jusqu’aux bornes-fontaines et les longues queues assez fréquentes entrainent des pertes de temps gênantes et improductives ;
- Risque de pollution de l’eau entre le moment où celle-ci sort du robinet et celui où elle est consommée (transport et stockage) ;
- Souvent l’eau n’est disponible aux bornes-fontaines que pendant des périodes limitées, parfois la nuit ;
- Nécessité d’entretien pour assurer un bon état de fonctionnement, car il s’agit d’un bien public, utilisé de manière intensive et soumis à des dégradations.
- Les tarifs de l’eau à une borne fontaine sont parfois de 3 à 5 fois supérieurs à celui d’un branchement privé.

6) Observations

Il est commun de voir des queues de charretiers et de transporteurs d’eau aux bornes-fontaines. Ces opérateurs sont le plus souvent indispensables pour apporter de l’eau à des familles éloignées et doivent être considérés comme des auxiliaires qu’il convient cependant de contrôler pour éviter des tarifs prohibitifs et d’aider à être davantage organisés et coordonnés au niveau communal.
Un projet d’implantation d’une borne-fontaine doit être réalisé avec la participation de la population locale, surtout en ce qui concerne l’emplacement de l’équipement et les aspects ergonomiques, ainsi que le choix du gérant de la borne-fontaine.
Il faut que la borne-fontaine soit un endroit propre, bien conservé et fournissant un service de qualité. En outre, la borne-fontaine étant un lieu de rencontre de la communauté, il convient d’en tenir compte dans la conception de son équipement.
Une alternative intéressante et moins coûteuse aux bornes fontaines est celle des PDC, les Postes de Distribution Collective. Ce sont des points d’eau constitués d’une batterie d’environ 16 robinets de puisage installée dans un espace public à la place d’une borne fontaine. Chaque robinet, précédé d’un compteur individuel et d’un robinet d’arrêt sécurisés, peut être affecté à un ménage ou à un groupe de personnes qui sont alors facturés comme s’ils étaient des abonnés individuels et qui peuvent y accéder à toute heure, contrairement à la plupart des bornes fontaines qui nécessitent d’avoir un gérant avec des horaires de travail.

7) Exemple de réalisation à Ouagadougou (Burkina Faso)

Comme la plupart des villes africaines, Ouagadougou est caractérisée par une zone périurbaine où les services publics ont du mal à arriver. L’approvisionnement en eau potable dans les villes de plus de 10 000 habitants a été confié à l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA).

À Ouagadougou, l’approvisionnement en eau est un enjeu majeur du fait de la rareté des ressources hydriques et de l’incapacité d’assurer un branchement privé à toutes les familles qui habitent dans les quartiers périurbains car le rythme d’extension du réseau n’arrive pas à accompagner la progression de l’urbanisation.
Pour promouvoir une diversification des systèmes de distribution et améliorer le partage des ressources face à un contexte de sécheresse, les pouvoirs publics ont privilégié l’installation de bornes-fontaines, qui se sont multipliées à partir des années 1984-1985. En 1999, les bornes-fontaines étaient la source d’eau potable de 49% des ménages de Ouagadougou, alors que seulement 23% des ménages de la ville disposaient de branchements privés.
La figure 4 montre les modes collectifs d’approvisionnement en eau potable à Ouagadougou en 2003. On peut noter la concentration des bornes-fontaines dans les zones périurbaines (points bleus), là où la population n’a pas d’accès à des branchements privés. 

Figure 4 : Modes collectifs d’approvisionnement en eau à Ouagadougou en 2003. Les points en bleu indiquent la localisation des bornes-fontaines, les points en vert, celle des pompes ou forages et les points en orange, celle des puits hors concession.
Source : Fournet et al. (2008) 

8) Coût

Il est difficile de chiffrer les coûts d’installation et d’entretien
d’une borne-fontaine car ceux-ci varient beaucoup selon la région. A
titre d’exemple, l’investissement d’un opérateur privé pour mettre en
place une borne-fontaine est de l’ordre de 450 € à Dakar (Sénégal) et à Nouakchott (Mauritanie). Le tableau suivant présente les comptes d’exploitation de trois bornes-fontaines en Afrique.

 Comptes d’exploitation de quelques bornes-fontaines en Afrique - Source : Programme pour l’eau et l’assainissement, 2000

Le compte d’exploitation annuel de quelques gérants de bornes-fontainesOuagadougou : une borne très active du quartier KalgoudinOuagadougou : une borne très active du secteur 29Dakar : une borne-fontaine réalisée sur fonds privés
Investissements personnels (US$)700
Nombre de clients quotidiens254727502750
Volume vendu (m3/jour)49.052.95.0
Prix de vente aux usagers (US$/m3)0.430.381.92
Prix d’achat de l’eau (US$/m3)0.310.310.42
Recette annuelle (US$)767374153498
Dépenses
annuelles
(US$)
Achat d’eau55305956770
Impôts, taxes et assurances33
Charges salariales372315300
Entretien10830027
Amortissement140
Bénéfice annuel (US$, y inclus la rémunération de l’exploitant)16638442228
Bénéfice quotidien4.562.316.11


9) Où s’adresser pour trouver davantage d’informations ?

- PS EAU . Les opérateurs indépendants de l’approvisionnement en eau potable et de l’assainissement en milieu urbain. de COLLIGNON, B. ; VEZINA, M. Programme pour l’eau et l’assainissement – Banque Mondiale : Washington, 2000. Disponible sur : http://www.pseau.org/outils/biblio/...
- PS EAU . « Rapport sur l’adduction d’eau potable avec pompes à énergie solaire » dont une section aborde le thème des bornes fontaines et détaille les types de robinets et compteurs utilisés dans ces ouvrages.
BONNEVIOT, H. Adduction d’eau potable avec pompes photovoltaïques. Systèmes Solaires, 2005. Disponible sur : http://www.pseau.org/outils/biblio/...
 - Borne fontaine à prépaiement : exemple.
 www.electrocontact.com/P1228...
- IRD : « Ouagadougou (1850-2004) : une urbanisation différenciée. » de FOURNET, F. ; MEUNIER-NIKIEMA, A. ; SALEM, G IRD : Bondy, 2008. Partiellement disponible sur : http://books.google.fr/books?id=kgo...
- Rapport en portugais sur la gestion durable de petits systèmes d’approvisionnement en eau en Afrique
Gestão sustentável de pequenos sistemas de abastecimento de água em África. Water and Sanitation Program (WSP), 2010. Disponible sur :
Voir aussi la fiche E 49 « Comment amener et distribuer de l’eau dans les quartiers défavorisés et les bidonvilles  »



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