E50 – Cultures maraîchères et jardins potagers communautaires.Comment les créer et les gérer ?

7 février 2014

1) De quoi s’agit-il ?

L’adduction d’eau dans des villages leur permet désormais de réaliser en communauté des cultures maraîchères leur permettant d’améliorer leur sécurité alimentaire et de produire des revenus. Leur création pose toutefois un certain nombre de questions aux quelles il convient de réfléchir avant, ce que cette fiche indique tout en proposant des solutions.

La fiche suivante E 51 « Les moyens d’irrigation des jardins potagers et des cultures maraîchères » indique plus précisément la nature et les solutions des problèmes particulièrement importants de recherche et d’utilisation de l’eau.

2) Qui utilise surtout ce moyen et depuis quand ?

Le maraîchage est une activité qui a connu un important développement au cours des trente dernières années. Il s’adresse à différents types d’acteurs : des particuliers, des groupements familiaux ou de voisins,, des communautés de villages, de quartiers, etc. aussi bien que des regroupements de femmes ou de jeunes que des écoles créant de petits jardins potagers scolaires éducatifs.
Le maraîchage peut donc prendre des formes très variées allant de quelques dizaines ou centaines de m2 à plusieurs hectares.

3) Pourquoi ?

Le maraîchage est un bon moyen d’améliorer la nutrition des populations, de s’assurer de leur autosuffisance alimentaire, d’apporter des revenus complémentaires mais aussi de promouvoir des activités sociales et communautaires. Ce type d’activité peut être financièrement rentable et améliorer considérablement la situation économique des communautés concernées, mais il n’est pas toujours simple à mettre en place et demande un certain travail de réflexion préalable.

4) Qui est surtout concerné ? Lieux ou contextes dans lesquels ce moyen parait le mieux adapté

Ce sont le plus souvent des familles, des groupes, des communautés ou des écoles situées en milieu rural, mais parfois également en périphérie de villes.

5) En quoi consiste ce procédé ? Comment est-il mis en oeuvre ?

Pour avoir toute chance de réussir un jardin potager ou une culture maraîchère (photo à Madagascar), que par simplification on désignera désormais le plus souvent par le même vocable de « jardin maraîcher » il est fortement conseillé de réfléchir, ainsi que l’indique une très intéressante étude du PS Eau (Programme Solidarité Eau, Paris), dont cette Fiche s’est d’ailleurs largement inspirée et donne le lien d’accès, et de se référer aux différents points suivants.

a) Pour qui et pourquoi prévoir une culture maraîchère ?

Avant de se lancer dans la création d’un jardin ou d’une culture maraîchère, il est en effet important de se poser d’abord quelques questions relatives aux attentes que l’on place dans ce dernier.

En premier lieu, la production du jardin est-elle destinée principalement à la consommation personnelle ou familiale ou bien à la commercialisation ? L’objectif de ses créateurs est-il essentiellement alimentaire et/ou social (mieux nourrir une famille ou le faire en communauté en développant par là-même des activités sociales ou éducatives) ou bien est-il essentiellement économique ?


Maraîchage au Togo. Photo CIRAD

De la réponse à cette question vont dépendre les investissements qu’il est raisonnable de faire, notamment en matière de pompage et d’irrigation. En effet, dans le cas de produits destinés à la consommation personnelle, on essaiera de réduire autant que possible les coûts de fonctionnement tandis que dans une optique de commercialisation dont on attend évidemment des recettes, une partie de celles-ci pourra être consacrée chaque année au remboursement d’investissements plus conséquents. Mais attention à bien étudier le marché local des produits maraîchers auparavant.
Il est aussi important pour dimensionner le projet de réfléchir à qui seront les acteurs de cette production maraîchère et à leur nombre, à combien de temps ils pourront consacrer à ce travail ainsi qu’à la charge de travail totale représentée par la culture du jardin qu’ils seront réellement en mesure d’assumer. Par exemple, dans le cas de communautés de femmes, on dispose en général d’une main d’œuvre abondante mais peu disponible, ce qui limite la surface exploitée à quelques dizaines de mètres carrés par personne.

En tout état de cause, il s’avère que quelle que soit l’importance ou la surface du jardin maraîcher, un projet de création ne peut être viable que si les nombreux efforts physiques et financiers de leurs acteurs sont récompensés par l’obtention de résultats suffisants, qu’il s’agisse de production, de vente ou d’intérêt des activités sociales créées.

b) Comment dimensionner le jardin potager ou le champ maraîcher ?


Champs maraîchers et pompes à éolienne en Crète

Cela dépend évidemment des cultures que l’on veut faire et des quantités que l’on veut produire, mais pour réaliser une culture maraîchère, il faut évidemment à la fois un terrain et de l’eau.

En règle générale, la terre ne manque pas mais l’eau constitue un facteur essentiel de la production maraîchère. Il convient donc de dimensionner le jardin en fonction de la quantité d’eau disponible quotidiennement pour son irrigation et de l’éloignement de la source d’approvisionnement, surtout s’il n’en existe pas dans le jardin et qu’il faut aller la chercher à pied ou avec des citernes. Attention également à la durée de la période de disponibilité de l’eau. S’il manque habituellement de l’eau à certaines époques, il convient de le prévoir et de ne cultiver que les produits qui pourront l’être en dehors de ces périodes. Certains projets ont en effet échoué faute d’un approvisionnement suffisant en eau pendant seulement quelques semaines…

Pour les cultures maraîchères, on considère généralement qu’il faut disposer d’un volume d’eau de 60 à 80m3 d’eau par hectare et par jour.

c) Quelles sont les incidences des diverses sources d’approvisionnement en eau ?

Indépendamment de la dimension du jardin, la profondeur du point d’eau et sa distance du jardin sont aussi des paramètres importants car ils conditionnent le coût de son pompage et de son transport.

De même, les types de points d’eau disponibles peuvent limiter, voire empêcher d’effectuer certaines cultures. Merci de vous reporter pour cela à la Fiche E 51 : Les moyens d’irrigation des jardins potagers communautaires et des cultures maraîchères

d) Comment organiser le travail dans le jardin ?


Session de formation de femmes maraîchères au Mali.
Photo ENDA

Il convient de laisser aux personnes la possibilité de s’organiser mais de le faire d’un commun accord avant même l’ouverture de jardin. La question de la répartition des parcelles et de la répartition des travaux doit faire l’objet d’un accord préalable : quelle superficie pour chacun ? quel sera le trésorier ? le gardien ? le responsable du pompage ? Qui sera éventuellement rémunéré et comment ?...

Les questions de formation sont aussi très importantes. Afin que les jardiniers ne risquent pas de se décourager au début faute d’expérience suffisante, il est souhaitable de leur proposer de se former avant même l’ouverture du jardin et aussi après.

Ainsi les acteurs bénéficieront d’une certaine expérience au moment de commencer à cultiver. Réaliser des échanges et des visites auprès des autres producteurs de la région est également un bon moyen de partager l’expérience, d’éviter des erreurs et de démarrer le projet dans de bonnes conditions.

e) Comment sélectionner les semences et les fertilisants

Quel que soit le mode de fonctionnement du jardin, une attention toute particulière doit être portée à la sélection et à l’achat des produits nécessaires, (semences, fumier, engrais, produits de traitement, etc.).

Une bonne production nécessite avant tout de bonnes semences.

Les semences constituent en effet la base de la production du jardin : il ne faut pas essayer de faire des économies à ce niveau-là car ce serait prendre le risque d’une amère déception, tant en quantité qu’en qualité de produits ! Des semences sélectionnées et de qualité, même un peu plus onéreuses et choisies avec l’aide d’un spécialiste, valent beaucoup mieux que celles que l’on peut trouver soi-même à moindre prix chez des petits fournisseurs ou vendeurs ne connaissant pas vraiment le métier.

Mais semer ne suffit pas. Les plantes ont besoin de trouver dans le sol les éléments nutritifs dont elles ont besoin et n’auront un bon rendement que si la qualité du sol est bonne. Il est donc indispensable de maintenir la fertilité des sols pour que le projet de maraîchage soit un succès. Il peut être fait usage d’engrais mais ils coûtent cher et on utilisera de préférence des engrais naturels, notamment du fumier ou du compost.

f) Comment cultiver en même temps des arbres fruitiers ?


Arbres fruitiers au milieu de cultures maraîchères.
Photo Agrisud International

Il est intéressant de produire à la fois des légumes et des fruits, tant pour la consommation que pour la vente. C’est la raison pour laquelle la production de fruits aux abords ou au milieu des jardins potagers a tendance à se répandre. Attention là encore à sélectionner de bonnes variétés à trouver chez des pépiniéristes, ou des grossistes, des plants de qualité et à faire appel au conseil de spécialistes plutôt que de chercher surtout à trouver des plants d’arbustes bon marché.

Il convient également de se rappeler qu’à part quelques rares arbustes comme les bananiers, les arbres fruitiers ne commencent pas à produire avant 3 ou 4 ans, période pendant laquelle il n’y aura donc que du travail d’entretien à fournir et des frais d’arrosage et aucun revenu. Une bonne solution consiste donc à semer et récolter des produits maraîchers autour de ces arbres et de faire ainsi profiter fruits et légumes de la même irrigation.

g) Comment choisir les produits à cultiver ?

Avant de se lancer dans la commercialisation des produits, il est vivement conseillé de réaliser au moins une étude de marché. Cela revient à :
1. Aller régulièrement sur les marchés locaux pour observer les produits que l’on y vend et leur prix.
2. observer l’évolution des cours durant l’année ;
3. en déduire la nature des légumes et des fruits qui paraîtront les plus intéressants à vendre
4. établir un planning de production en fonction de cette identification mais surtout en fonction de ce qui se vendra bien et non pas seulement de ce que l’on sait produire.
Dans le cas de jardins potagers collectifs, il convient de s’entendre préalablement pour savoir si les produits seront vendus individuellement ou collectivement et, dans ce dernier cas, par qui et comment.

Par ailleurs, il est important d’être bien conscient que :
- Si l’on souhaite surtout retirer des revenus d’un jardin, le plus important n’est pas de produire mais d’être capable de vendre sa production dans de bonnes conditions.
- Il est préférable, sauf exceptions, de vendre des produits assez courants plutôt que de vendre des produits que l’on ne trouve pas dans les marchés locaux car cette absence a sans doute ses raisons qu’il faut alors bien connaître.
- Il est souvent plus intéressant de vendre ses produits sur place plutôt qu’au marché, même en les vendant moins cher, car d’une part on évite un certain nombre de frais (transport, taxe d’emplacement sur le marché, pertes) et que d’autre part les réductions de prix et la fraîcheur sont de bons atouts pour attirer la clientèle.

h) Quelle méthode d’irrigation et quels moyens de puisage privilégier ?

Il en existe plusieurs en fonction du type de jardin ou de ressources disponibles, l’arrosage classique, même astucieux avec un double arrosoir, certes peu couteux, n’étant pas le plus commode ni le plus efficace.

Merci de vous reporter pour cela à la Fiche E 51 : Les moyens d’irrigation des jardins potagers communautaires et des cultures maraîchères

6) Autres précautions à prendre

Il convient de protéger le jardin des animaux, des maraudeurs et du vent. Sa diversité et sa verdure risque en effet d’attirer des animaux, voire des troupeaux.

Il est donc recommandé :
- soit de l’entourer au minimum de fil de fer barbelé (compter environ 4 €/mètre de clôture) système peu esthétique mais le moins cher, à part l’utilisation de vieux bois, système néanmoins peu solide ni durable,
- soit de l’entourer d’un grillage, ce qui est plus efficace mais coûte de 8 à 10 €/m de clôture,
- soit, ce qui est le plus efficace et durable et protège le jardin des vents, de planter une haie dont le prix varie selon le type de végétaux, (mais qui doit être complétée le temps de sa pousse par une clôture ou un grillage) ou d’installer des brise-vents.

7) Principaux avantages et inconvénients

Les avantages principaux de cette technique sont à la fois économiques et sociaux. En effet, les cultures maraîchères contribuent à améliorer l’alimentation des populations, à leur fournir des revenus complémentaires et à leur conférer une plus grande autonomie alimentaire. En parallèle, ces projets communautaires ont un fort impact de cohésion sociale au sein des communautés.

Toutefois, la multitude des recommandations figurant dans cette fiche montre que les jardins maraîchers ne sont pas aussi simples à réaliser qu’on l’imagine parfois et que cela demande beaucoup d’efforts, de patience, d’organisation et de sens du travail en équipe mais que cela peut apporter, finalement à faible coût, de nombreuses satisfactions et de très utiles ressources.

Ils ne seront toutefois véritablement réussis que s’ils sont bien gérés, le plus souvent à un niveau communautaire, mais aussi que si chacun de ses membres y trouve vraiment son compte.

8) Coût

Les coûts dépendent beaucoup de l’organisation choisie pour la production, du système de pompage utilisé pour apporter l’eau et de la technique d’irrigation choisie.

Il convient donc d’en faire une estimation relativement précise avant le lancement d’un projet et d’établir des comptes prévisionnels d’exploitation, en y distinguant par exemple :
- le coût des matières premières : semences, engrais, fumier, produits phytosanitaires ;
- les coûts de fonctionnement du système de pompage : le carburant, l’huile, les filtres, les réparations ;
- les provisions pour renouvellement du matériel ;
- les frais de déplacements et de transport ;
- les charges salariales : personnel permanent ou temporaire

Leur montant en fait toutefois généralement un type de projet à coût très raisonnable et rapidement amortissable, sans tenir compte de leur bienfait sur le plan économique et social du village.

Voir aussi dans la fiche E 51« Les moyens d’irrigation des jardins potagers communautaires et des cultures maraîchères » le coût de ces matériels.

9) Où s’adresser pour trouver davantage d’informations - Bibliographie

a) Sites Internet

- PS Eau (Programme Solidarité Eau, Paris) : livret très intéressant et pratique de 38 pages (novembre 1997) indiquant avec beaucoup de précisions l’essentiel de ce qu’il faut savoir avant de lancer un programme de maraichage , ce qui n’a été que partiellement résumé dans cette fiche, document disponible (en ligne) sur : http://www.pseau.org/outils/biblio/...
- Simablog. Document de 3 pages de conseils :« Comment bien débuter en maraîchage »,disponible sur :
http://simablog.over-blog.com/pages...
- CIRAD (Centre internatioal de recherche pour l’agriculture et le développement, Ouagadougou, Burkina Faso) : « Pratiques innovantes pour le maraîchage au Bénin », document de 4 pages expliquant comment mieux protéger les plantes par des filets de type moustiquaire plutôt que par des pesticides, disponible (en ligne) ainsi qu’une vidéo sur : http://www.bionetagro.org/

b) Vidéos

- Daily motion : « Maraîcher sans engrais ni pesticides », vidéo de 3 minutes dans laquelle un jeune ménage de Bretagne explique pourquoi et comment il le fait., disponible (en ligne) sur :
http://www.dailymotion.com/video/xu0z81

c) Bibliographie

- « Memento technico-économique du maraîchage au Congo Kinshasa », réalisé par Agrisud International capitalisant les résultats de programmes réalisés dans ce pays (coordonnées disponibles sur
http://www.agrisud.org/index.php?op... )
- GRET : « De l’eau pour le maraîchage », Guide (1994) destné à ceux qui veulent mettre en place ou améliorer leur système d’irrigation.Auteurs:Luc Arnaud et Bernard Gay Editions du GRET (45 bis avenue de la belle Gabrielle 94 130 Nogent sur Marne).



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