A21 - Les techniques de lagunage

8 février 2012

1) De quoi s’agit-il ?

Le lagunage consiste à épurer des eaux usées dans des bassins étanches à l’aide de microorganismes d’algues ou de plantes aquatiques. 
C’est un traitement biologique, donc écologique, respectueux de l’environnement, facilité par les rayons solaires. Il constitue une alternative fiable, intéressante et assez peu coûteuse au traitement plus classique et physico-chimique des stations d’épuration habituelles et s’avère encore plus efficace dans l’élimination des substances pathogènes.
Les installations de lagunage permettent une optimisation du traitement de la pollution qui, au lieu d’asphyxier la nature, la nourrissent. Elles sont constituées de plans d’eau artificiels, lesquels peuvent être utilisés séparément mais le sont le plus souvent en série pour améliorer leur efficacité.

2) Qui utilise surtout ce moyen et depuis quand ?

Les principes du lagunage sont utilisés depuis plusieurs siècles, mais depuis le début du XXème siècle le lagunage s’est développé dans un grand nombre de pays, notamment aux Etats-Unis, au Canada et en Australie puis en Europe et maintenant dans plusieurs pays en développement.
Cette technique est bien adaptée au traitement des effluents domestiques et industriels et fonctionne sur la plupart des continents, mais plutôt en climat assez tempéré et non aride. Les grandes aires nécessaires pour la mise en œuvre des bassins rendent le lagunage plus intéressant dans les zones rurales et industrielles ou en périphérie de villes où le coût et la disponibilité des terrains ne sont pas des contraintes.

3) En quoi consiste ce procédé ? Comment est-il mis en oeuvre ?


Bassins de lagunage de petite taille

Le lagunage consiste à faire passer les eaux usées à une vitesse d’écoulement très lente dans une succession de bassins étanches dimensionnés de manière à ce que l’eau y reste plusieurs jours, voire semaines.
La particularité de ces bassins est d’abriter des bactéries qui ont la capacité et le temps de dégrader les polluants sans intervention extérieure. Cette dégradation des matières organiques en matières minérales (CO2, eau, nitrates et phosphates) se fait par voie naturelle et biologique par voie anaérobie (absence d’oxygène) ou aérobie (présence d’oxygène) selon les bassins.

Il existe quatre types de lagunes :
- Les lagunes anaérobies
- Les lagunes dites « facultatives »
- Les lagunes aérobies (ou de maturation)
- Les lagunes à haut rendement
Le lagunage est généralement pratiqué en faisant passer des eaux usées, après dégrillage, dégraissage, et déshuilage, dans trois bassins successifs, voire davantage. Le traitement commence généralement dans une lagune anaérobie, se poursuit dans une lagune facultative et s’achève dans une lagune aérobie. Celle-ci peut, le cas échéant être remplacée ou suivie par une lagune à haut rendement.


Schéma Lagunage .eu

Rôles respectifs des divers types de lagunes :

Les lagunes anaérobies et facultatives ont pour but d’éliminer un maximum de la DBO des eaux usées (75% dans les cas les plus favorables).
La DBO (Demande Biologique en oxygène, exprimée en mg/l) est une unité de mesure reflétant la concentration d’un milieu en matières organiques biodégradables (les eaux usées domestiques ont ainsi en général une DBO de 200 à 300 mg/l).
Les lagunes aérobies sont surtout destinées à parfaire le traitement en éliminant les germes pathogènes résiduels. A leur sortie la DBO peut être réduite de 75%.
Les lagunes à haut rendement, plus compactes et nécessitant du matériel de brassage, sont destinées à améliorer la rapidité et l’efficacité du traitement.

- Les lagunes « anaérobies » sont des bassins assez profonds où la dégradation a lieu en l’absence d’oxygène. Pour garantir cette condition la profondeur du bassin doit être de l’ordre de 2,5 à 5 m. L’eau n’est ni aérée ni agitée ni chauffée. La dégradation anaérobie produit du CO2 et du méthane. Ces lagunes permettent une première réduction importante (jusqu’à 60%) de la DBO.
- Les lagunes « facultatives » sont moins profondes (1,2 m à 2,4 m). La dégradation « aérobie » s’effectue dans les zones proches de la surface et la dégradation « anaérobie » dans celles plus profondes, d’où le nom « facultative ».
- Les lagunes « aérobies », parfois appelées lagunes de maturation, sont aérées et l’eau y circule artificiellement, l’air favorisant la dégradation des déchets. Les algues et les plantes se nourrissent des éléments dissous par les bactéries et se développent par photosynthèse. Les particules solides tombent et sont digérées au fond de la lagune. Leur profondeur est le plus souvent assez faible et inférieure à 1,5 m de façon à permettre à la lumière de favoriser la photosynthèse et l’épuration. Les bassins aérobies peuvent être mis en série ou divisés en deux parties, la dernière réalisant une aération très faible ou nulle pour permettre la sédimentation des déchets.
Elles constituent le plus souvent la dernière étape du traitement mais il leur est parfois ajouté, soit une lagune à haut rendement, soit des bassins d’aquaculture, sources de nourriture et de revenus.
La durée totale de passage dans les différents bassins est d’au moins une semaine mais peut atteindre, voire dépasser, un mois.

Quant aux lagunes « à haut rendement », elles sont constituées de bassins de 30 cm à 60 cm de profondeur seulement. L’eau y est agitée lentement par des roues à aubes, ce qui entraine une production intensive d’algues et d’oxygène. Ainsi, la surface nécessaire pour les bassins de ce type peut être jusqu’à 5 fois plus petite que celle des autres types de bassins. Elles nécessitent cependant des conditions minimales de rayonnement solaire et de température.

Dimensionnement et entretien :

Pour le dimensionnement des bassins de lagunage, plusieurs facteurs doivent être pris en compte :
- effluents, population, débit, charge organique, concentrations bactériennes ;
- le climat : température et ensoleillement, vents et évaporation, pluviométrie ;
- le terrain : topographie, géologie, hydrogéologie.
À partir de ces données, il est possible de déterminer, avec l’aide de spécialistes, des éléments comme la surface, la forme, la profondeur et l’étanchéité des bassins.
Les boues sédimentées au fond des bassins doivent être évacuées par périodes de 5 à 10 ans. Après traitement, ces boues peuvent être utilisées comme compost pour l’agriculture.

4) Variante : le lagunage avec bassins planteés de microphytes ou de macrophytes

Pour améliorer l’efficacité du lagunage, il est assez souvent procédé à l’utilisation de plantes de ce type comme les micro algues ou les laitues d’eau (microphytes) ou les végétaux flottants ou plantés comme les roseaux (macrophytes) qui ont beaucoup de capacités naturelles d’épuration. Les lagunes à macrophytes sont très efficaces pour le traitement des eaux chargées en solides et en phosphore. Celles à microphytes conviennent mieux pour des eaux contenant des éléments pathogènessusceptibles de provoquer des maladies.

5) Difficultés particulières et remèdes - Précautions à prendre


Station de lagunage de la Ville de Rochefort (France),
l’une des plus grandes d’Europe

Si le terrain où sera construit le bassin est perméable, il faut l’imperméabiliser par un revêtement d’argile, de terre compactée ou de matière imperméable afin d’éviter les infiltrations.
Orienter de préférence la station dans un sens contraire au vent.
Il convient également de faire attention aux éventuels débordements dus aux eaux de pluie.
Il est préférable de clôturer les bassins pour les protéger des animaux et des personnes qui seraient tentées de les prendre pour des lieux de pêche ou de baignade et pour éviter aux végétaux d’y tomber.
La végétation inhérente à la réalisation du lagunage doit être enlevée assez régulièrement pour laisser passer au mieux la lumière dans les bassins ainsi que pour éviter qu’elle ne se transforme en nids d’insectes comme les moustiques.
 

6) Principaux avantages et inconvénients

a) Avantages

- Coûts de réalisation modérés dépendant surtout du prix du foncier et de la nature du sol.
-Coûts de fonctionnement et de maintenance faibles. Pas de coût d’énergie.
- Construction génératrice de nombreux emplois,
-Durée de vie de 15 à 20 ans. Efficacité élevée.
- Moindres quantités de boues produites et plus forte réduction des germes pathogènes que dans une station classique,
- Entretien et opération faciles,
-Bonne intégration dans l’environnement,
-Possibilité de réutilisation des eaux traitées pour divers besoins comme l’irrigation.

b) Inconvénients

Grandes surfaces de terrain nécessaires pour les bassins. Il faut compter au moins 5 m2/habitant et le plus souvent de 10 à 15 m2 par habitant.
- Lenteur du processus d’épuration.
- Nécessité de faire appel à des spécialistes pour leur conception et leur suivi, indispensable.
- Sensibilité aux variations de température, efficacité réduite pendant l’hiver,
- Risque d’odeurs désagréables et de présence d’insectes si la station est mal conçue ou mal entretenue.

7) Coût

Les coûts de réalisation des lagunes les plus importants sont ceux des travaux de creusement des bassins, lesquels nécessitent beaucoup de main d’œuvre et de la tuyauterie. Ce coût varie selon la région et le type de sol puisque, si le sol est perméable, il faut le rendre étanche. En ce qui concerne les lagunes aérobies, les coûts d’installation et de fonctionnement des équipements d’aération et de circulation de l’eau sont plus élevés que ceux, beaucoup plus faibles, des lagunes anaérobies et facultatives.

Exemples de coûts :
- A Ghapet (Côte d’Ivoire), la station de lagunage construite en 2002 ( sur 0,8 ha et 180 m3/j ) à proximité d’une fabrique d’huile de palme avait coûté 182 000 €. Son prix de revient par m3 traité est de 0,3 centime d’euro.
- A Accra (Ghana, West Tema), la station beaucoup plus grande construite en 2005 (8,8 ha et 833 m3/j) avait coûté près d’un million d’euros. Le m3 traité y revient à 0,5 centime par m3
- De façon plus générale, le coût ramené au ménage utilisateur est de l’ordre de 20 à 100€ pour la construction et de 5 à 40 €/an pour les frais de fonctionnement et d’entretien.

8) Où trouver davantage d’informations - Bibliographie ?

a) Sites Internet

PS Eau ( Programme Solidarité Eau) : Publication des 2 Rapports suivants :
 - l’un (43 pages) « Valorisation des eaux usées par lagunage dans les pays en développement »
 http://www.pseau.org/epa/gdda/Actio...
 - l’autre (résumé de 2 pages) relatif aux résultats d’une enquête dans 16 stations de ces pays :
 http://www.pseau.org/epa/gdda/Actio...
- Eawag (Institut de recherche Suisse) et WSSCC (Water supply and sanitation collaborative council, Genève). Encyclopédie iustrllée de 151 pages sur l’ensemble des techniques d’assainissement :
 le « Compendium des systèmes et technologies d’assainissement ». (Pages 99 à 102 pour le lagunage)
 http://www.pseau.org/outils/organis...
 - Lagunage : Synthèse de quelques pages sur la technique du lagunage, disponible sur : 
 http://www.lagunage.eu/index.php?ti...
- Globenet : « Le lagunage écologique », document de 16 pages expliquant les techniques de lagunage 
 http://globenet.org/preceup/fr/docs...
- Office of wastewater management (USA) : plusieurs fiches disponibles, mais en anglais ;
 - sur les lagunes,anaérobies : http://www.epa.gov/npdes/pubs/alago...
 - sur les lagunes facultatives : http://www.epa.gov/npdes/pubs/facla...
 - sur les lagunes aérobies : http://water.epa.gov/scitech/wastet...

b) Bibliographie

Guide méthodologique SMC (Stratégies municipales concertées), du PDM et du PSEau : « Choisir des solutions techniques adaptées pour l’assainissement liquide », guide illustré très intéressant et bien documenté de 136 pages réalisé par le GRET dont les pages 126 et 127 traitent le sujet du lagunage. Ce guide a été réalisé par le GRET (45 avenue de la Belle Hélène 94736 Nogent/Marne Cedex) ou au PSEau ( www.pseau.org)

 http://fr.scribd.com/doc/60939118/Pseau-Pdm-Smc-Guide-4-Solutions-Techniques-Assainissement-Liquide

9) Conseil, voir aussi

Si vous souhaitez avoir une vue plus complète du traitement des eaux usées en divers milieux, LES FICHES SUIVANTES :

La Fiche de présentation générale A 17 « Les divers moyens de traitement écologique alternatif aux stations d’épuration classiques »,
la Fiche A 18 « Les dégrilleurs et les systèmes d’épandage des eaux usées par bachées », 
la Fiche A19 « les décanteurs-digesteurs », 
la fiche A 20 « Les filtres ou les lits de séchage plantés de macrophytes » et
la fiche A 24 « L’assainissement autonome par lagunage à titre individuel ou familial ».



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